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Cours 5 : Le développement de la métallurgie au Néolithique
Premières sociétés du métal

 

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Cours en ligne : UTB

 

Archéologie néolithique
De la Préhistoire à l’Histoire… A l’origine de nos sociétés
(12000-2000 avant notre ère)

Cours 5

Le développement de la métallurgie au Néolithique
Premières sociétés du métal

Il s’agit donc pour moi, aujourd’hui, de vous présenter les origines des pratiques métallurgiques à la fois au Proche Orient et en Europe, et il sera donc question ici surtout de cuivre et d’or, un peu du plomb et de l’argent, ainsi que de quelques alliages primitifs.

Je vais donc commencer par vous présenter ce que l’on sait aujourd’hui des tous débuts de la métallurgie au Proche Orient et en Europe, avant de détailler un peu les données pour l’Europe de l’ouest jusqu’à l’aube du Bronze ancien.

En guise d’introduction, je commencerai par vous signaler – ou vous rappeler si vous avez bien suivi jusque ici -, que le développement de la métallurgie, s’il ne fait pas partie de la définition du Néolithique, semble bel et bien liée de façon plus ou moins directe, au processus de la néolithisation.

Ce lien qui existe entre Néolithique et métallurgie, on peut le montrer à deux niveaux :

Le premier est géographique puisque les premières manifestations de pratiques métallurgiques apparaîtront dans des régions de néolithisation ancienne et non dans les régions nouvellement colonisées ou en marge de la néolithisation. La métallurgie est bien ainsi le fait d’agriculteurs-éleveurs sédentaires.

Le second lien est chronologique, car comme nous allons le voir, les premières formes de métallurgie, la métallurgie à froid en particulier, vont apparaître très précocement au sein du processus de néolithisation.

Toujours dans ce semblant d’introduction, nous pouvons nous demander pourquoi les archéologues, si ce n’est les préhistoriques, accordent-ils une place aussi importante à l’apparition et au développement du métal ?

Il y a probablement une double réponse à cette question.

D’une part, les outils de métal ont du assez rapidement supplanter au niveau de l’efficacité, leurs ancêtres de pierre… N’en déplaise à certains lithiciens.

Cette raison là est assez évidente si on considère les outils de métal et leur efficacité intrinsèque. La demande a du être rapidement très forte pour ce type d’objet, entraînant nécessairement des échanges à très longue distance, mais aussi un intérêt particulier pour la possession aussi bien du savoir faire métallurgique que des mines de métal elles-mêmes avec très tôt le développement de conflits pour ces contrôles.

La seconde raison la plus importante parce que les premiers objets de métal ne sont pas toujours ni majoritairement des outils, est probablement d’ordre social, le métal étant au moins autant sinon plus utilisé pour l’apparat que pour la réalisation de réels outils – même si ceux-ci existent réellement contrairement à ce que racontent certains.

L’apparat c’est à la fois les parures mais aussi les armes portées par des hommes ou des femmes. Et à travers ça, c’est évidemment un marqueur social, car celui qui porte parures et armes de métal a les « moyens » entre guillemets de les obtenir…

Le métal intervient donc dans un contexte de développement des inégalités sociales, mais attention, il accompagne ce développement et n’en est pas la cause qu’il faut aller chercher plus loin dans la néolithisation avec le double phénomène de la sédentarisation et du stockage.

Ce qui est évident c’est que si le développement des techniques métallurgiques a été très long, plusieurs siècles à plusieurs millénaires selon les régions, une fois ce cap franchi, il n’est plus question de retour en arrière et la métallurgie va s’imposer partout peu à peu.

Concernant maintenant le développement et la diffusion de la métallurgie.

Tout d’abord, le phénomène, comme beaucoup d’innovations, est semblable à la néolithisation.

C'est-à-dire que le développement de la métallurgie est un processus très long à se mettre en place initialement, dans les régions d’origine, pendant probablement plusieurs millénaires entre la première utilisation du cuivre natif à froid et le développement des techniques spécifique d’extraction de métal à partir de certains minerais et l’invention des alliages.

Dans d’autres régions, à l’inverse, les techniques métallurgiques sont apparues toutes constituées, par diffusion.

C’est une évidence, bien entendu, mais pensez que cela aura un impact totalement différent sur les sociétés concernées.

Géographiquement, les premiers foyers de développement de la métallurgie se trouvent au Proche Orient :

en Anatolie (en Turquie actuelle)

en Iraq et en Iran.

En Europe, la métallurgie va apparaître à l’Est et au sud-est, dans l’une des régions les plus anciennement peuplées par les colons néolithiques, c'est-à-dire les Balkans.

Le développement de la métallurgie est donc un processus très long qui va être intimement lié au développement des arts du feu, pendant le processus de néolithisation.

Mais l’histoire du métal commence bien avant cela, dans des contextes de chasseurs collecteurs ou dans celui des premiers agriculteurs avec le martelage à froid du cuivre natif.

Parmi les plus anciens objets connus, on va trouver un petit pendentif en cuivre provenant d’un niveau du Xe millénaire à la grotte de Shanidar en Irak (qui demeure un objet isolé et donc sujet à caution) et d’autres menus objets de parures, cette fois réalisés en malachite sur le site voisin de Zawi Chemi au IXe millénaire, dans des contextes de chasseurs-collecteurs dans les deux cas.

De même, à l’Est de la Turquie sur le site de Cayönü où appariassent dès la fin du Xe millénaire, les premiers objets de cuivre travaillé à froid, dans un contexte de néolithisation en cours à l’interface PPNA/PPNB dès la phase 9200-9000.

Dès 8000, peut-être avant, on a sur le même site, l’évidence de cuivre travaillé à chaud, mais seulement porté à des températures de l’ordre de 500° ce qui n’est pas encore en soi de la métallurgie.

Ces objets sont des tiges, des feuilles, des crochets, des fils et des perles.

Le développement de la métallurgie, c'est-à-dire de la réduction des minerais, semble quand même lié surtout à celui de la céramique, en raison d’une communauté des arts du feu et en fait, il a fallut beaucoup de temps pour apprendre à maîtriser les hautes températures.

Si l’on écarte ici certaines expériences paléolithiques supposées de cuisson d’argile, le développement des arts du feu commence dès la fin du Xe millénaire, pour le Proche Orient, avec l’apparition des premiers godets de céramique à Mureybet par exemple.

Mais le réel développement n’apparaît que pendant le IXe et surtout le VIIIe millénaire avec la fabrication de plâtre par la cuisson du gypse, et l’apparition progressive de figurines de terre cuite.

Le développement de la céramique semble s’accélérer autour de 7000 avant notre ère, dans le Levant et peut-être même un peu plus tôt en Turquie.

Il semble aujourd’hui évident que les progrès faits dans la maîtrise des températures de cuisson des céramiques a eu un impact direct sur le développement de la métallurgie.

Et c’est en Turquie que les progrès semblent les plus rapides pour ce nouveau développement.

Ainsi on va trouver sur le site de çatal Höyük en Anatolie, dans des niveaux du VIIe millénaire, à la fois de petits objets de plomb (mais peut-être encore natif) et de cuivre et des scories attestant de la fonte de cuivre.

Il en sera de même à Asikli Hoyuk… Et à Hacilar (toujours en Turquie), avec de menus objets de cuivre à la charnière VIIe / VIe millénaires. Le fouilleur du site parle dès l’or d’un âge du cuivre, ce qui est plus ou moins accepté par la communauté scientifique.

C’est ensuite dans le courant du VIe millénaire, que l’on va trouver des objets plus importants associés à des restes de réduction de minerais témoignant du développement réel de la métallurgie dans cette région.

C’est le cas sur le site de Mersin en Cilicie avec la fabrication de haches plates en cuivre, puis sur le site de Can Hasan en Anatolie avec une masse d’arme à douille creuse.

Ce premier développement semble au début limité au sud de la Turquie et il se diffuse peu à peu à l’ensemble de l’Anatolie.

La généralisation du métal dans ces régions au cours du Ve et du IVe millénaire va de pair avec la diffusion des techniques bien au-delà de la région anatolienne, en Mésopotamie, vers le Caucase et aussi le sud-est de l’Europe.

Mais attention, nous ne savons pas toujours, si ces régions ne développent pas au moins partiellement une métallurgie autochtone.

Parallèlement, les minerais travaillés ainsi que leur provenance géographique vont se diversifier.

Dès le transition du IVe au IIIe millénaire, on saura travailler dans ces régions les premiers alliages : le cuivre à l’arsenic puis le Bronze à l’étain qui va apparaître sur le site de Troie au début du IIIe millénaire.

Pendant la même période l’orfèvrerie et l’argenterie se développent aussi comme en témoigne le trésor de Priam à Troie, qui date en réalité de la première moitié du IIIe millénaire.

En Mésopotamie et en Iran, l’évolution est sensiblement identique, mais pas forcément aussi bien connu.

On sait que vers 6000 on se contente de marteler le cuivre pour obtenir des lames, des perles et des pointes.

Il faut attendre la culture d’El Halaf, entre 5500 et 5000 pour qu’apparaissent les évidences d’une réduction des minerais avec des fours à dôme et des creusets, pour la fabrication d’outils de petits modules.

Ce n’est ensuite que pendant le Ve et le IVe millénaires dans des contextes de sociétés proto-urbaines qu’on va voir se développer des productions plus importantes dans des fours pouvant atteindre 1000°.
Le bronze y apparaîtra vers la fin du IVe millénaire pour devenir courant au IIIe.

Le développement de la métallurgie dans les autres régions orientales, en Egypte, à Chypre et en Israël n’intervient, selon les connaissances actuelles que pendant le IVe millénaire, généralement autour de 3500 avant notre ère, et même à la fin du IVe pour la Crête et les Cyclades et peut-être un peu plus précocement dans le sud-Levant, en Israël.

Venons-en maintenant à l’Europe.

Comme je vous l’ai dit tout à l’heure, c’est le centre-est de l’Europe qui va voir se développer la première métallurgie européenne.

Nous avons en fait une série de cultures dites « chalcolithiques » qui vont s’étendre de la mer noire à l’adriatique à travers les Balkans :

Culture de Vinça en Yougoslavie,

Gumelnitsa en Roumanie et Bulgarie,

Cucuteni en Roumanie et en Ukraine,

Tiszapolgar en Hongrie.

Toutes ces cultures sont datées de la seconde moitié du Ve millénaire avant notre ère et toutes connaissent la métallurgie du cuivre.

Pendant longtemps, on a considéré, après les travaux et les théories de Vere Gordon Childe puis de Edward Sangmeister et de son équipe, que la métallurgie née au Proche Orient s’était diffusée vers l’Europe, dans une chronologie très rapide et très tardive.

Aujourd’hui, l’ancienneté du foyer balkanique et les nombreuses données accumulées permettent de repenser ce schéma et d’envisager une métallurgie européenne autochtone dans les Balkans.

La naissance de cette métallurgie peut ainsi être suivie selon un processus proche de celui de l’Anatolie, à ceci près que les néolithiques européens connaissent les arts du feu et la fabrication de la céramique dès leur arrivée en Europe.

Il semble que le cuivre natif soit travaillé à froid dès la fin du VIe millénaire, c'est-à-dire vers 5000 avant notre ère, ce qui a conduit à l’apparition d’une réelle métallurgie peut-être dès la première moitié du Ve millénaire.

Mais les contacts avec les régions turques ne peuvent cependant être totalement exclus. Il ne me semble pas possible de conclure aujourd’hui sur la réalité d’une invention sur place de la métallurgie dans les Balkans.

La question de l’existence d’autres foyers métallurgiques en Europe à cette haute époque est plus complexe.

Il semble bien que l’essentiel de la métallurgie du reste de l’Europe correspond à une diffusion à partir de ces régions sud-orientales, le long de l’axe danubien dans un premier temps et cela jusqu’en Suisse, où des cultures du Néolithique moyen, comme la culture de Pfyn dans le nord-est, montrent l’usage de cuivre.

Mais, restons pour le moment dans les Balkans, où le cuivre est à l’origine du développement de cultures particulièrement florissantes.

La métallurgie du cuivre y durera plus longtemps qu’ailleurs, avec un âge du cuivre qui va durer du Ve jusqu’au IIIe millénaire.

Au départ, il s’agit donc d’un travail par martelage de cuivre natif mais aussi de carbonates et d’oxydes, mais dès les débuts du Ve millénaire on voit une évolution rapide avec :

d’abord une fonte à moule ouvert, suivie d’une phase de martelage pour la mise en forme,

ensuite, se développent les moules bivalves et le forgeage pour donner aux objets des formes plus élaborées.

Entre 4500 et 3500, c’est une véritable explosion du métal, où on observe des mines de régions très diverses mises à contribution, des échanges à très longues distances avec de nombreux objets qui circulent, l’apparition de réels dépôts pouvant être importants (400 objets à Carbuna en Moldavie)…

La métallurgie de l’or se développe dans le même temps.

La zone géographique concernée s’étend de la mer noire à la Moldavie et à l’Ukraine à l’est, jusqu’à la Hongrie et la Serbie et même l’Adriatique à l’ouest et à la Macédoine au sud.

De cette époque on connaît plusieurs mines de cuivre. Les plus célèbres sont celles Ai Bunar en Bulgarie exploitées dès le Ve millénaire avant notre ère.

Les tranchées préhistoriques de 5 à 6 mètres de larges, voire plus on atteint fréquemment 10 m de profondeur et parfois 20 m.

Il existe des amorces de galeries mais l’essentiel de l’exploitation se faisait à ciel ouvert. Des pics en bois de cerf ont été retrouvé sur place et témoignent de l’outillage des mineurs.

L’importance de cette mine montre à la fois une longue durée d’utilisation mais aussi l’intensité de celle-ci, une main d’œuvre sans doute nombreuse et une organisation importante.

Les sites proches ne livrent pas beaucoup de cuivre, quelques objets finis et des fragments de minerais rares. L’essentiel de la production devait être emporté vers des centres spécialisés dans la fonte et la fabrication des objets, mais qui demeurent inconnus.

Aussi exploitée dès le Ve millénaire, la mine de Rudna Glava en Ex-Yougoslavie (en Serbie) a livré elle aussi des traces d’exploitations profondes et des outils en bois de cerf et en pierre, dont des maillets à rainure.
Aucun site n’est connu à proximité et le mobilier archéologique trouvé sur place témoigne sans doute d’une exploitation saisonnière du gîte avec campement sur place par un groupe venu d’une distance inconnue.
La production de cette mine peut s’exprimer en tonnes et a été intensément exploitée jusqu’à l’épuisement des filons au IIIe millénaire.

Au Ve millénaire aussi, je vous l’ai dit, on va avoir le développement de l’orfèvrerie, c'est-à-dire de la métallurgie de l’or, dans les mêmes régions.

L’or tient une place un peu particulière en fonction de deux aspects :

D’une part, l’or ne convient pas à la fabrication d’objets réellement utilitaire, en raison de sa malléabilité et il va donc servir, comme le premier cuivre d’ailleurs, à la fabrication d’objets inutiles, principalement des parures.

D’autre part, l’or nécessiterait beaucoup de travail pour la fabrication d’objets et c’est d’emblée dans la parure rare et dans le symbole que vont se cantonner les productions en or de la Préhistoire.

Dans les Balkans, de nombreux sites ont livré des éléments en or, en Bulgarie, en Roumanie… généralement, des anneaux, des perles, des fils, des boucles d’oreilles.

Mais le site le plus célèbre est probablement la nécropole de Varna en Bulgarie, sur la côte de la Mer noire.

Nous sommes entre 4600 et 4200 avant notre ère.

293 sépultures ont été fouillées, témoignant du caractère florissant des cultures du Chalcolithique balkanique.

Le groupe culturel a été défini à partir de la nécropole et de quelques sites sous le nom de groupe de Varna. Il voisine avec d’autres grandes cultures comme le groupe de Bolgrad et la phase ancienne de l’ensemble Cucuteni-Tripolje en Moldavie et dans le sud de l’Ukraine et plus proche l’ensemble Kodjadermen – Gumelnitsa – Karanovo VI qui s’étend sur la Bulgarie du nord-est, côte exceptée et le sud-est de la Roumanie.

Les sépultures montrent des sujets en position repliée ou étendue dans des tombes individuelles. Certaines tombes témoignent de pratiques complexes, sépultures secondaires avec une poignée d’ossements, voire de cénotaphes.

Les corps sont accompagnés de céramique, de longs couteaux de silex (parmi les plus longs existant, jusqu’à 40 cm), de haches et de herminettes de cuivre, mais surtout d’une quantité d’or absolument inédite.

Sur les 293 sépultures fouillées, au moins 61 contenaient de l’or et précisément 3028 objets totalisant plus de 6 kg d’or.

Ces objets sont très variés,  en vrac :

  1. bracelets
  2. bagues
  3. bandeaux ou diadèmes,
  4. pendentifs anthropomorphes,
  5. perles
  6. cylindres et éléments de sceptres
  7. plaques perforées (pectoraux ?)
  8. boutons
  9. appliques pouvant figurer des bovidés…
  10. haches
  11. coins
  12. Mais aussi des vases de céramiques rehaussés de peinture à l’or… et un astragale de bovidé en or.

Evidemment, nous ne connaissons pas la signification de cette quantité de trésors et donc ce qu’ils traduisent socialement pour ces groupes.
La nécropole de Varna est généralement interprétée comme celle d’une aristocratie et non comme celle d’un village ordinaire. Mais de quelle aristocratie s’agit-il ? de commerçants, de politiques…

Ce qui est sûr, c’est que nous sommes face à des individus qui se démarquent du reste de la société et qu’il s’agit bel et bien d’un tournant de l’évolution des sociétés agro-pastorales.

Mais ce monde florissant n’a qu’un temps et dès la fin du IVe millénaire, puis au IIIe, les productions métalliques chutent de façon vertigineuse, le cuivre se fait rare peut-être en raison de l’intense exploitation des ressources jusqu’à ce moment.

On ne va plus trouver de cuivre pur et on va lui préféré les alliages : du cuivre arsénié tout d’abord, puis du bronze, mais cet alliage ne se développera réellement qu’au second millénaire.

Si au Ve millénaire, la métallurgie semble couvrir l’essentiel des Balkans, suivant peut-être le développement de la culture de Vinça, l’Adriatique semble constituer une barrière importante à la diffusion de cette métallurgie vers la Méditerranée centrale et occidentale.

En réalité la côte est de l’Adriatique elle-même n’est pas affectée par le développement de cette métallurgie, à l’exception notable du sud-est de cette région, presque à la frontière grecque, avec la culture de Maliq.

Dans une première étape, entre 5000 et 4500, on ne connaît que de rares objets de cuivre mais entre 4500 et 4000, avec la phase Maliq 2, la métallurgie s’impose rapidement avec des objets de belles tailles et les nombreuses scories découvertes témoignent d’une production sur place.

Sur le reste de la côte adriatique, comme en face, en Italie, la métallurgie demeure inconnue jusqu’à une époque plus tardive.

Ainsi, en Italie péninsulaire, les découvertes de métal demeurent rares et assez tardives. De très rares objets proviennent de contextes divers dans la première moitié du IVe millénaire et on peut citer l’existence à la même époque de scories de cuivre sur l’acropole de Lipari dans les Eoliennes.

Il faut attendre la transition du IVe au IIIe millénaire pour que divers foyers de production d’objets en cuivre : la Campanie, le Latium, la Toscane, l’Emilie et la Plaine lombarde.

Pendant longtemps on a voulu faire venir cette première métallurgie italienne de la Mer Egée, que je n’ai pas développé ici.

En fait la métallurgie égéenne ne semble se développer qu’à partir du début du IIIe millénaire et l’absence de relais sur la côte adriatique ne plaide pas pour cette introduction orientale.

Selon les connaissances actuelles, c’est plutôt vers le monde alpin qu’il faudrait rechercher l’origine de ces métallurgies italiques.

En Italie du nord, les connaissances concernant la première métallurgie sont en passe d’être considérablement renouvelées avec la mise au jour de nombreux objets de cuivre dans des contextes du Néolithique moyen, avec la culture des Vases à bouches carrées VBQ. Mais ces données demeurent peu ou pas publiées.

En Italie du nord, il faut probablement distinguer deux secteurs :

D’une part la zone alpine d’Italie centro-septentrionale qui fait sans doute référence au monde danubien et balkanique.

Ainsi les premières exploitations alpines Italo-autrichiennes pourraient être datées à Götschenberg entre 3642 et 3356 av.

Et d’autre part, la zone occidentale, ligurienne qui serait tournée vers l’ouest et la méditerranée occidentale.

Concernant l’exploitation elle-même on connaît aujourd’hui plusieurs mines en Ligurie, dans la région de Gènes, qui ont livré des dates dès le milieu du IVe millénaire ou au moins dans la seconde moitié du IVe millénaire.

C’est le cas de la mine de Libiola datée entre 3490 et 3102 av. et de celle de Monte Loreto datée entre 3645 et 3335 av.

En Méditerranée occidentale, que se passe-t-il ?

Il y a le cas de la Corse, qui semble avoir développé une métallurgie originale qui est datée autour de 3400 à 3000.

Sur le site de Terrina, du côté d’Aleria sur la côte orientale, la fouille d’un dépotoir attribué à la culture que l’on appellera le Terrinien, a livré des creusets, des scories et une tuyère.

Mais la datation de ces éléments est encore discutée.

A l’inverse, la Sardaigne ne semble pas montrer de réels développements avant 2500 avant notre ère avec la culture de Monte Claro.
De rares objets dans les phases finales du groupe d’Ozieri témoignent de la présence de cuivre dès 3000.

Les Baléares restent à l’écart et la métallurgie n’y apparaîtra qu’en contexte campaniforme, au moment du peuplement massif de l’île dans la seconde moitié du IIIe millénaire. 

Concernant les premières éclosions de métallurgie, le cas de la Péninsule Ibérique pose de réels problèmes.

Vous pourrez lire ici ou là que la métallurgie s’est développée dans le sud de la Péninsule, en Espagne, dès le Ve millénaire.

Cette idée est attachée à la découverte sur le site de  Cerro Virtud à Almeria d’un fragment de vase four dans un contexte daté de la première moitié du Ve millénaire.

Certains chercheurs espagnols ont donc milité pour un développement autochtone et indépendant de la métallurgie ibérique dès cette haute époque.
En réalité, ces données sont encore aujourd’hui très controversées et il n’est pas possible de soutenir objectivement cette hypothèse.

Parmi ces premières éclosions, il convient de mentionner aussi la France, puisque malgré des données encore peu nombreuses, un complexe minier et métallurgique a cependant déjà fait l’objet de plus de 20 ans d’études :

Il s’agit de ce qu’on appelle le district minier de Cabrières-Péret dans l’Hérault.

Sur un secteur de quelques kilomètres, dans les garrigues au nord de Béziers, on connaît actuellement près d’une vingtaine de mines plus ou moins importantes et datées de la fin du Néolithique et du début de l’âge du Bronze, mais on connaît aussi 4 ou 5 sites de traitements du minerai ainsi que 6 ou 8 sites d’habitat occupés à la fin du Néolithique dans une période contemporaine de l’exploitation des mines.

Les mines se présentent selon les cas, comme de toutes petites exploitations de filons, comme ici avec la mine de la vierge qui a été la première à livrer du mobilier du début du IIe millénaire, en France.

Mais il existe aussi des galeries beaucoup plus importantes comme à Pioch Farrus IV.

Plusieurs ateliers ont aussi été découverts comme celui de Roque Fenestre.

Mais la découverte la plus importante est sans doute celle de la Capitelle du Broum sur la commune de Péret qui semble avoir été à la fois un habitat et un lieu d’exploitation du cuivre pendant le IIIe millénaire.

On peut y voir des constructions de type Fontbouisse ou pré-Fontbouisse, maison ovale… Des foyers de métallurgie, Des outils spécifiques…

La métallurgie est d’autant plus intéressante sur ce secteur que de nombreux minerais ont été essayés et parfois de mauvais minerais ont nécessité le développement de techniques assez sophistiquées.

Mais l’exploitation est sans doute antérieure au groupe de Fontbouisse puisque les datations pourraient faire remonter la première métallurgie sur ce site à la période 3100 – 3000.

Ce premier foyer de métallurgie en France semble avoir été très actif jusqu’au milieu du IIIe millénaire puisque le cuivre de Cabrières se trouve dans la plupart des régions du Midi de la France et jusque sur la côte atlantique dans des contextes de la fin du Néolithique.

Ainsi les premiers objets en cuivre en France ont au moins 3 origines :

  1. d’une part, sans doute la métallurgie d’Europe centrale, avec la culture cordée qui étend son influence jusque dans l’Est de la France et les Alpes.
  2. Mais aussi une métallurgie sud-alpine d’origine italique dans le IIIe millénaire là encore, avec les poignards de type Remedello,
  3. et bien sûr une production locale avec pour le moment le centre de Cabrières.

En réalité, l’existence d’autres centres métallurgiques, en particulier dans le Midi de la France est supposée, à partir de l’analyse de certains objets qui pourrait indiquer l’existence d’une métallurgie dans plusieurs régions, comme dans les Causses et la Montagne Noire et de l’autre côté en Provence et dans le sud des Alpes.

Les travaux sont encore en cours.

Mais au IIIe millénaire, alors que les Balkans ne sont plus la région Chalcolithique par excellence, c’est la Péninsule Ibérique qui semble prendre le relais.

Le travail du métal se généralise à la fin du IVe millénaire, à la même époque que le développement de Cabrières dans l’Hérault.

Plusieurs centres sont sans doute actifs, dans le sud-est avec la région d’Almeria, en Andalousie, mais aussi en Algarve et jusqu’en Estrémadure portugaise.

Les productions des différents groupes culturels de ces régions, le groupe de Los Millares dans le sud de l’Espagne et le groupe de Villa Nova de Sao Pedro au Portugal sont à la fois abondantes et strictement locales comme en témoignent les découvertes de fours, d’outils et de scories.

C’est sans doute à partir de la Péninsule Ibérique, du sud et de l’ouest que la métallurgie se rediffuse, à partir du milieu du IIIe millénaire à travers la Péninsule tout d’abord, puis à travers une grande partie de l’Europe occidentale, accompagnant la diffusion des gobelets campaniformes.

Nous aurons là à la fois de nouveaux types d’objets et de nouvelles techniques de fabrication.

En même temps, la pratique métallurgique elle-même semble se répandre à de nombreuses régions où on ne trouvait jusque là que quelques objets probablement diffusés, échangés… Et la quantité de métal présent sur les sites devient beaucoup plus importante.

L’orfèvrerie et l’argenterie sont aussi présentes en Europe occidentale, bien qu’il n’y a rien de comparable avec Varna.

Dès avant la période campaniforme qui va marquer un grand intérêt pour les objets en or, de rares objets sont présents dans des sépultures collectives généralement. 

Le cas de la sépulture de Pauilhac dans le Gers demeure exceptionnel : haches d’apparat, reste d’un cheval et un diadème en or, le tout qui pourrait être daté de 4000 avant notre ère et témoigne sans doute de contacts avec l’Europe centrale.

Avec le Campaniforme, l’or et l’argent vont se rencontrer plus fréquemment en contexte funéraire.

Ailleurs en Europe, la métallurgie semble bien liée au développement des grandes cultures de la fin du IIIe millénaire, à la fois le Cordé en Europe centrale et septentrionale et le Campaniforme en Europe méridionale et occidentale.

Ainsi la métallurgie de la Suisse qui avait été amorcée par des contacts précoces avec l’Europe orientale, dans la culture de Pfyn, ne redémarre réellement que vers 2800 probablement sous impulsion cordée.

A l’extrême nord-ouest, c’est au Campaniforme qu’il faut attribuer la diffusion des techniques métallurgiques à la Grande Bretagne et à l’Irlande.

A la fin de la période, c'est-à-dire avec le développement en France de ce qu’on appelle les céramiques à décor barbelé de l’Epicampaniforme ou de la transition du Néolithique au Bronze ancien, on voit apparaître de menus objets de bronze qui se réduisent le plus souvent à des alènes losangiques et quelques tous petits fragments informes. Nous sommes entre 2150 et 1850 avant notre ère et l’âge du Bronze débute timidement.

L’origine dans l’Est et le sud de la France de ces objets est à chercher en Europe centrale ou centro-méridionale, car les céramiques à décors barbelés elles-mêmes proviennent de ces régions ou de l’extrême nord-ouest des Balkans.

En réalité ce tout premier bronze ancien est encore néolithique par bien des aspects et il faut sans doute attendre le Bronze ancien 2, avec ce qu’on appelait autrefois la culture du Rhône, pour que des objets à la fois massifs et nombreux en bronze (haches et poignards essentiellement) fasse leur apparition et traduise le passage réel à l’âge du Bronze.

Pour finir ce rapide tour d’horizon des développements de la métallurgie en Europe, on peut s’interroger, face aux « belles » cultures chalcolithiques des Balkans ou même fac à celles du sud et de l’ouest de la Péninsule Ibérique, sur l’impact réel de la métallurgie sur les sociétés de la fin du Néolithique en Europe occidentale et en France en particulier.

Si on suit en ce sens mon collègue C. Strahm, cet impact ne fut que faible ou nul et il faudra attendre le plein âge du Bronze voire le début du Bronze final pour observer de réels changements profonds dans les sociétés et l’avènement de ce qu’il est convenu d’appeler les Sociétés du métal.

De fait, les groupes de ce que certains appellent le Chalcolithique de l’essentiel de l’Europe, et même jusqu’au Bronze ancien dans certaines régions, ne connaîtront pas un mode de vie différent de celui du Néolithique ancien et moyen.

Seules certaines régions, comme dans la péninsule Ibérique verront le développement de sociétés déjà partiellement différentes dont est probablement issu le phénomène campaniforme.

A ce sujet on peut s’interroger sur le concept même de Chalcolithique, concept qui fait débat depuis déjà plus de 35 ans, dans son acception chronologique puisque le phénomène ne se produit pas partout au même moment et même dans son concept technique car il ne distingue pas les régions produisant du cuivre et celles qui ne connaissent que des objets diffusés, ou dans son aspect sociétal puisque la chalcolithisation ne semble pas produire le même effet selon les sociétés touchées.

Bibliographie

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